Il y a des mots qui sont plus faciles à assumer que d’autres. « Autiste », par exemple. Entre le moment où j’ai compris que ce mot pouvait s’appliquer à moi et le moment où je l’ai accepté, il s’est écoulé un an. Un an pour assimiler avant de prendre le chemin du diagnostic, pour être sûre. Alors imaginez un peu ce que ça a pu donner avec le mot « handicap ». Handicapée, moi ? Non, jamais ! J’ai toujours essayé d’être Super Woman, de pouvoir me débrouiller toute seule pour tout (très mauvaise façon de vivre sa vie, je sais. Je me soigne ?). Il suffit qu’on me dise « tu n’es pas capable de… » pour que je me retrouve harnachée à 90m de hauteur… Bref, non je ne me sens pas handicapée.
Pourtant, il arrive que je sois en situation de handicap. La nuance est importante. Confinée, en télétravail, chez moi ? Je suis Super Woman. Hyper productive, je n’ai pas besoin de voir mes collègues plus que pendant les quelques réunions Visio qui sont programmées. Je suis comme un poisson dans l’eau, tout va bien (en plus le café est bon). En revanche, à 15 à discuter autour de la machine à café, là oui. Je suis en situation de handicap. Se concentrer sur les 4 différentes discussions, essayer de répondre en restant dans le sujet, faire abstraction du bruit des machines, des gens qui entrent et qui sortent… Certains appellent ça une pause, pour moi c’est une épreuve sportive. Je suis épuisée après ça. Ou après une heure dans les transports en commun, une soirée ou une réunion.
Mais peu importe ce qui nous vaut cette étiquette, ce sont certains éléments qui nous mettent en situation de handicap. Alors que pour certaines choses, nous sommes bien plus efficaces ou débrouillards que les personnes dites « normales ». Vous ne me croyez pas ? Demandez aux personnes aveugles qui servent dans le restaurant « Dans le noir » … Demandez à un voyant de faire pareil pour voir. Impossible ? Et pourtant. C’est le genre de gymnastique que nous faisons tous les jours, parfois même sans y penser. Vous voyez une personne handicapée, je vois une personne qui arrive à vivre dans une société qui n’est pas faite pour lui. Vous rêveriez d’avoir ces capacités d’adaptation !
Du coup oui, aujourd’hui, j’ai pu demander que mon environnement soit aménagé pour que je m’y sente bien. Parce que j’ai adapté ma vie personnelle pour éviter les situations qui m’handicapent, mais je ne peux pas le faire dans mon travail. Au début j’avais l’impression de tricher, de profiter d’un privilège que je n’aurais pas dû avoir mais je me suis vite rendu compte de l’impact que ça avait sur moi, sur ma fatigue, sur ma vie. Et j’ai fini par comprendre que ce n’est pas un privilège mais juste une manière de me remettre un peu à égalité avec les autres. Et au bout de 16 ans de carrière, je commence enfin à découvrir qu’on peut s’épanouir au travail.
Finalement, le handicap est une affaire de perspective. On en revient à cette citation d’Einstein : « si vous jugez un poisson sur ses capacités à grimper à un arbre, il passera toute sa vie à croire qu’il est stupide. » Alors oui, dans la société actuelle, nous, petits poissons handicapés, que nous soyons autistes, sourds, non-voyants, avec un handicap physique ou tous les autres, nous nous retrouvons souvent devant des arbres. Des forêts, même. Mais si vous poussez un peu les arbres et que vous faites un peu de place pour mettre des rivières, vous allez voir plusieurs choses :
- Les rivières, c’est joli.
- On peut avancer aussi bien, sinon mieux en nageant dans une rivière qu’en sautant d’arbre en arbre.
- Les rivières, ça aide les arbres à pousser.
Faites-nous juste un peu de place et vous verrez le changement. Pas seulement pour les personnes autistes, mais faites de la place pour tous ceux qui sont différents. Que le handicap soit visible ou invisible, acceptez la différence. Embrassez-là ! Bien sûr, tout le monde ne pourra jamais être à égalité, c’est évident. Mais faisons tous un effort pour que tout le monde ait sa place, se sente à sa place et se sente inclus. C’est possible en nous adaptant juste un peu pour que ce soit plus facile pour tous ceux qui ne rentrent pas dans le moule pour une raison ou pour une autre, je suis persuadée que ça changerait tout. Parce que si on fait en sorte que les gens soient juste un peu moins en difficulté, il y a des situations où le handicap peut disparaître, où le réel potentiel de chacun peut être libéré. Et c’est tellement reposant de faire les choses sans avoir à penser à sa différence !
On n’est pas bien, là ?
Laura, consultante informatique chez auticonsult
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